"Création d'un marché des capitaux en RDC - un chemin nécessaire pour créer des millionnaires congolais" (Tribune de Patrick Ntula)

Nous avons beaucoup entendu parler ces derniers temps de la création de millionnaires congolais dans le pays. Je dois reconnaître qu'il s'agit d'un objectif important et louable pour le Congo. Je crois que chaque pays devrait donner la possibilité à ses fils et filles de devenir millionnaires et pourquoi pas même milliardaires.

Il existe généralement deux types de millionnaires dans les pays où la corruption n'est pas endémique - les millionnaires autodidactes ou « self-made millionaires » en anglais, c’est à dire "ceux qui ont gagné des millions grâce à leurs propres efforts" et ceux qui sont nés riches.

La vraie question à laquelle il faut répondre est comment le pays peut-il donner l'opportunité à ses fils et filles de devenir self-made millionnaires ?

La première chose qui devrait venir à l'esprit est l'entrepreneuriat. Oui c'est vrai. Un entrepreneur est un individu qui crée une nouvelle entreprise, prenant des risques et tirant des bénéfices.

Le processus de création d'une entreprise est connu sous le nom d'entrepreneuriat. L'entrepreneur est généralement considéré comme un innovateur, une source d'idées, de biens, de services et de procédures commerciales nouvelles. Inutile de dire que le Congo est plein de gens capables avec des idées innovantes qui n'attendent qu'une opportunité leur soit offerte.

Que faire pour stimuler l’entreprenariat ?

Une façon de favoriser l'émergence de l'entrepreneuriat est de donner aux entrepreneurs congolais la possibilité de sous-traiter d'une part avec l'Etat au niveau local, provincial et central et d'autre part avec des sociétés étrangères opérant au Congo comme dans le secteur minier par exemple.

La sous-traitance avec des entreprises étrangères doit inclure le transfert de savoir-faire lié à ces industries spécifiques. Il sied de noter que la nouvelle loi sur la sous-traitance est un pas dans la bonne direction mais pas suffisante à elle seule pour créer des millionnaires.

Que doit faire l’entrepreneur congolais ?

Pour devenir millionnaire, l'entrepreneur congolais doit d’abord se doter de tous les outils nécessaires pour réussir. Le plus important est d'avoir la bonne mentalité. L'entrepreneur congolais devrait changer d'état d'esprit et se débarrasser de ces tares culturelles qui l'empêchent de gérer une entreprise comme cela doit se faire au 21ème siècle.

L'entrepreneur congolais doit adopter les techniques de gestion modernes et intérioriser la notion de contrôle interne et de redevabilité devant l’organe de contrôle de gestion, le conseil d'administration ou l’assemblée générale de l’entreprise tel que requis par l’OHADA.

Dans cette optique, le gouvernement congolais doit exiger, soit par voie législative ou décret-loi, que toutes les entreprises de droit congolais publique ou privée opérant en RDC établissent un cadre de gouvernance d'entreprise qui inclura un système de contrôle interne au premier, deuxième et troisième niveau.

Le contrôle de gestion constituera la première ligne de défense dans la gestion des risques, les diverses fonctions de contrôle des risques et de surveillance de la conformité établies par la direction constitueront la deuxième ligne de défense et l'assurance indépendante « audit interne et externe » sera la troisième ligne de défense.

Enfin, il est impératif que l'entrepreneur congolais apprenne à utiliser les nouvelles technologies et les logiciels informatiques pour rendre son entreprise plus efficace et compétitive.

Accès au financement

L'entrepreneuriat sans financement adéquat est comme un rêve qui ne se réalisera jamais. Il y a d'innombrables entrepreneurs au Congo avec de bonnes idées. Certains ont même des contrats mais ne peuvent pas démarrer par manque de financement initial ou des capitaux d'amorçage.

Revenons encore au secteur minier. Combien d'entrepreneurs ont perdu ou n’ont pu obtenir des contrats de sous-traitance pour le forage ou le transport de minerais au Katanga par exemple simplement parce qu'ils n'ont pas pu obtenir un prêt d'une banque congolaise pour couvrir au moins 10% du minimum des coûts d'amorçage ?

Ce prêt pourrait couvrir l'achat ou la location d'équipement ou l'embauche de travailleurs qualifiés. Malheureusement, ce constat est applicable à tous les secteurs de l'économie congolaise.

Ç’est une situation pénible à vivre en tant qu'entrepreneur. Je parie que beaucoup d'entre eux se retrouvent en lisant cette tribune d'où la nécessité de créer un marché des capitaux pour couvrir ce besoin pressant.

Qu'est-ce qu'un marché des capitaux ?

Un marché des capitaux désigne le lieu ou mécanisme par lequel les fonds sont échangés entre les fournisseurs de capitaux et ceux qui cherchent des capitaux à utiliser.

En termes plus simples, les marchés des capitaux permettent la rencontre entre épargnants, particuliers, entreprises ou institutions ayant besoin de capitaux pour leur fonctionnement ou croissance et d’autres épargnants, particuliers, entreprises ou institutions possédant du capital qu'on appelle investisseurs qui cherchent où le placer pour obtenir un rendement plus élevé.

Les intermédiaires financiers servent de lien entre les deux.

L’entrepreneur qui prend l’initiative et la responsabilité de créer, de développer et d’implanter une entreprise et qui assume les risques dans l’espoir de réaliser un profit a grandement besoin d'un cadre lui permettant de lever les capitaux pour matérialiser son initiative, ses idées ou son innovation. Malheureusement quand on observe le paysage financier en RDC, il n'y a pas véritablement de cadre qui soutient ce genre d'activité de manière approfondie et soutenue autre que les banques ordinaires et certaines institutions de microfinance.

Les banques sont soumises à de nombreuses règles prudentielles qui limitent leur capacité à financer les entreprises présentant un niveau de risque élevé dont celles qui sont en phase de création « les start-ups ».

Le cadre approprié qui permet à l'entrepreneur de lever des fonds auprès de ceux qui recherchent des opportunités d'investissement s'appelle « marchés de capitaux ».

Cycle de vie d'une entreprise et types de financement

D'une manière générale, les phases du cycle de vie d'une entreprise comprennent :

- L’amorçage – « start-up » ;

- La création – « early stage & late stage » ;

- Le développement / la croissance – « growth » ;

- et la maturité / consolidation – « maturity ».

A chaque phase du cycle correspond un type de financement approprié.

Les entreprises en phase d’amorçage ou création sont souvent financées par les propriétaires ou par un prêt familial ou venant d’ami.

Cependant, au fur et à mesure de leur croissance, de nombreuses entreprises sont incapables de financer tous les besoins uniquement à partir des flux de trésorerie internes.

Lorsque les besoins en capital dépassent les liquidités disponibles, ces entreprises peuvent utiliser les types de capital suivants :

- Financement providentiel « Angel investor » ;

- capital-risque « venture capital » ;

- ou capital investissement « private equity ».

Les entreprises en phase de développement et croissance ou maturité et consolidation recourent à d'autres types de financement dont : le placement privé « private placement » ou l’émission des titres obligataires ou de participations au public « public debt offering » ou « equity public offering ».

Si l'on jette un second regard sur le paysage financier de la RDC, on notera à nouveau qu'il n'y a pas de cadre formel permettant ce genre d'activité de levée de capitaux.

Enfin les millionnaires sont créés

On entend beaucoup parler de milliardaires africains comme Aliko Dangote, Toni Elumelu ou Elon Musk, le sud-africain. Il est important de rappeler qu'ils sont membres du club des milliardaires non pas parce qu'ils ont des milliards de dollars dans leurs comptes bancaires mais en raison de la valorisation de leurs participations dans les sociétés qu'ils ont respectivement créées qui sont cotées en bourse.

Une fois de plus en regardant le paysage financier de la RDC, on constate qu’il n'existe pas de bourse des valeurs mobilières.

C'est le moment d’en créer une si nous voulons commencer à compter nos propres millionnaires.

La création d'un marché des capitaux en RDC est le préalable nécessaire pour créer des millionnaires congolais. Pour y arriver, le pays doit d'abord se doter d'un cadre légal et réglementaire pour assurer la protection des investisseurs et l'intégrité du marché, puis installer l'infrastructure appropriée qui permettra à tous les acteurs du secteur de fonctionner normalement.

Ce cadre permettra à l'entrepreneur de lever les capitaux en toute sérénité auprès d’une catégorie d'investisseurs pendant la phase de démarrage / start-up ; d'une autre pendant la phase de croissance et d'une autre pendant la phase de maturité.

Le point culminant étant l'introduction en bourse de l'entreprise dont les actions détenues par l'entrepreneur et d'autres investisseurs ayant pris des participations au cours des différentes phases de cycle de vie valent des millions de dollars.Ainsi la RDC pourra compter ses millionnaires comme dans d'autres pays africains.

Pour tout besoin de services de conseil liés aux marchés des capitaux, écrivez à patrick.ntula@natulaglobalconsulting.com