Nord-Kivu : le shilling ougandais mieux que le franc congolais à Jomba

Dans les boutiques, les magasins et les échoppes dans la quasi-totalité des villages et localités du Groupement de Jomba en territoire de Rutshuru, dans la province du Nord Kivu, les transactions commerciales se font en monnaie ougandaise, le shilling. La monnaie locale, le franc congolais est reléguée au second plan et utilisée seulement dans un cercle réduit autour de l'administration publique avec comme référence la monnaie ougandaise.

1.000 shillings, 5.000 shillings,.. les prix sont affichés sur différents produits et marchandises au marché comme dans des boutiques à Bunagana, l'un de deux grands postes frontaliers du Nord-Kivu, à la lisière entre la RD Congo et l'Ouganda. Dans cette cité du territoire de Rutshuru, "la pratique date de bien longtemps, avant même l'arrivée des rebelles CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) d'abord et M23 ensuite", explique un notable.

"Elle (cette pratique) s'est évidement accentuée avec l'emprise rebelles pro-rwandais et ougandais, qui pendant des années contrôlaient la région directement ou indirectement", ajoute un analyste en système monétaire.

EN SHILLING POUR UN PRIX ABORDABLE　

Avec les francs congolais, on achète difficilement des produits, surtout ceux importés de l'Ouganda. Et le plus souvent, les gens sont obligés de changer d'abord la monnaie congolaise en shilling ougandais pour acheter à bon prix.

"Avec des shillings, le prix est abordable, mais quand tu viens avec les francs congolais, le prix est revue à la hausse. Si non, tu dois d'abord changer le franc en shilling", témoigne Agnès Mbarushimana, une ménagère. Même les élèves ne sont pas épargnés. "Il faut le faire (payer les droits d'inscription) en shillings et quand c'est en franc, le taux est élevé par les dirigeants d' établissement scolaire'', rappellent des habitants. "Cela nous est dicté par le contexte socio-économique dans lequel nous nous trouvons", se défend un responsable scolaire sous anonymat.

TOUT VERS L'OUGANDA

Un peu plus loin, au-delà du groupement de Jomba, dans celui de Busanza, comme à Ishasha, la situation est identique. Dans la localité de Ishasha, aussi frontalière avec le poste frontière de Kitagoma avec l'Ouganda, la population vie à l'ougandaise.

"Ici, tous se pense à l'ougandais. La bière, les aliments et bien d'autres produits manufacturés viennent de l'Ouganda. Ce qui nous oblige en conserve plutôt les shillings que le franc congolais, qui ne donne aucune garanti d'achat", explique Juvénal, un jeune qui fait le trafic Ishasha Kisoro-Kampala en ouganda.

Coupée de toute les grandes chaînes audiovisuelles congolais, hormis la radio okapi, la population se replie sur les chaînes ougandaises, et se laisse emballer petit à petit par le kiganda, la langue ougandaise à côté de l'anglais. ''C'est pour nous la seule solution de vivre'', ajoute Victor, un autre trafiquant qui dit consommer plus les produits brassicoles ougandais que congolais, qui malheureusement coûtent cher.

Au fil des jours, la situation s'enlise davantage sans inquiéter personne. Le service de l'économie, qui est chargé de la surveillance de la fixation des prix et du respect la monnaie locale, n'y est presque pas présent ou actif. A Kiwanja de même qu' au Chef-lieu du territoire, tout paiement en shilling est le bienvenu. La seule grâce pour l'instant est la poursuite du paiement des agents et cadres de la fonction publique en franc congolais, ce qui est de loin d'être rassurant dans une zone sans aucune institution bancaire et coopérative.