Monde
Le président russe n’a levé le voile ni sur les mesures qu’il compte prendre, ni sur les hommes qui vont l’accompagner dans son quatrième mandat. Nombre d’experts craignent un verrouillage croissant des processus économiques et politiques, ainsi qu’une confrontation accrue avec l’Occident
Vladimir Poutine, 65 ans, ne se voit plus au pouvoir lorsqu’il sera centenaire. C’est la première question qui lui a été posée après sa victoire écrasante dimanche. «Comment? Je devrais rester au pouvoir jusqu’à mes 100 ans? Non», a répondu en s’esclaffant l’homme qui règne sur la Russie depuis près de vingt ans. La Constitution russe, qui interdit plus de deux mandats consécutifs de six ans, l’empêchera de se représenter en 2024. «Je ne prévois aucune réforme constitutionnelle pour l’instant», a précisé le président, en se gardant d’être définitif.
Il faut croire que Vladimir Poutine n’aime guère les réformes d’une manière générale. Dans son discours annuel devant le parlement le 1er mars dernier, il n’a pas prononcé une seule fois ce mot. Or il s’agissait d’un discours programmatique, le seul en tout cas à donner des indications sur les intentions du chef d’Etat pour les années à venir. Son site internet de candidat ne comporte aucun programme. On n’y trouve que des promesses et ce slogan: «Un président fort – une Russie forte».
Jeunes technocrates ou hommes politiques confirmés?
Vladimir Poutine, qui garde du KGB l’habitude de cacher son jeu, n’a donné aucune indication sur les hommes avec lesquels il va travailler durant les six prochaines années. Il paraît raisonnable de prédire qu’il attendra le dernier moment pour faire émerger son successeur, comme il l’a fait en 2008, lorsqu’il a «prêté» la présidence pour quatre années à son fidèle Dmitri Medvedev, redescendu ensuite en position de premier ministre. Les Russes ont donc offert un chèque en blanc à Vladimir Poutine.
Bien avant le démarrage de la campagne électorale, les experts ont commencé à s’interroger sur la composition du futur gouvernement. Maintenir l’ultra-loyal Dmitri Medvedev, fusible pour les mesures impopulaires ou en cas de dégradation de la conjoncture économique, ou introduire du sang frais? «Il est plus facile de choisir de jeunes technocrates pour des postes gouvernementaux que de s’échiner à trouver des hommes politiques confirmés et expérimentés», estime la politologue Tatiana Stanovaya, directrice du cabinet d’experts R.Politik.
Un pouvoir d'achat déclinant
Les futurs responsables auront fort à faire pour revitaliser l’économie nationale, qui souffre d’un déficit croissant d’investissements et d’une dépendance perpétuelle envers les exportations de matières premières. Le pouvoir d’achat des Russes n’a cessé de décliner depuis 2014 et la croissance reste nettement inférieure à la moyenne mondiale. Le risque de décrochage technologique devient de plus en plus pressant.
Il existe un consensus parmi les économistes sur l’impossibilité de réformer l’économie russe sans introduire une plus grande concurrence dans le système politique. Le Kremlin a clairement choisi la direction contraire: une volonté croissante de verrouiller et de contrôler tous les processus économiques comme politiques. Or le budget ne pourra pas tenir longtemps sous les pressions contradictoires entre les dépenses sociales croissantes et la réduction des recettes.
«Un durcissement inévitable»
«La réforme des retraites est l’épisode le plus douloureux qui attend le président durant son quatrième mandat, c’est pourquoi il retarde le plus possible le moment de repousser l’âge de la retraite», note le politologue Konstantin Gaaze. Pour lui, le principal arbitrage du mandat qui démarre ne s’opérera pas entre les «colombes» et les «faucons» du régime, mais entre les libéraux (qui misent sur l’intégration et la globalisation) et les partisans d’une réindustrialisation à tendance autarcique.
Quant au modèle politique, tout le monde s’attend à une consolidation de la «verticale du pouvoir». «Le régime tend à se refermer et à se durcir», observe Tatiana Stanovaya, qui souligne l’influence croissante du FSB (ex-KGB). «Ses dirigeants s’affirment comme une nouvelle noblesse. Le FSB s’est mis à influencer fortement les processus législatifs, la politique domestique (le contrôle de l’opposition) et même le développement de l’économie. Nous entrons dans une nouvelle phase: l’influence croissante du FSB sur la vie quotidienne. Un durcissement sera inévitable durant le quatrième mandat de Poutine. Je n’exclus pas l’instauration de mesures limitant la liberté de sortie du territoire.»
«L'arrière» et «le front»
Vladimir Poutine ayant présenté l’annexion de la Crimée et le nouvel arsenal nucléaire russe comme ses deux principaux succès, il serait très surprenant de le voir assouplir sa politique étrangère. Le scrutin de dimanche a d’ailleurs éclairé l’articulation entre une politique étrangère agressive et le soutien massif des Russes pour le président Vladimir Poutine.
L’éditorialiste de Republic.ru Oleg Kashin fait remarquer que «les processus politiques domestiques, dans la Russie actuelle, sont réduits à être «l’arrière» soutenant «le front», c’est-à-dire la politique étrangère. La société doit par défaut être du côté du pouvoir dans sa confrontation avec les adversaires extérieurs. Et cela définit la direction du développement du pays pour les six prochaines années.» Si sa cote de popularité s’érode, ce qui est presque inévitable, surtout dans la conjonction économique défavorable actuelle, Vladimir Poutine risque de revêtir à nouveau les habits du «rassembleur des terres russes».
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