Politique
Dans son dernier rapport publié ce jeudi, le Groupe d’étude sur le Congo, réunissant des experts indépendants, recommande au Conseil de sécurité de « faire de la tenue d’élections crédibles la principale priorité de la Monusco », la mission onusienne en RDC.
C’est un plaidoyer en faveur d’une Monusco plus politique que « technocratique ». Dans un rapport de quelque 22 pages, intitulé L’art du possible : le nouveau mandat de la Monusco, rendu public ce jeudi 1er mars, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) appelle le Conseil de sécurité à tenir davantage compte de la dimension politique de la crise actuelle dans ce pays.
« Il est difficile d’imaginer une transformation fondamentale du conflit si la transition démocratique est bâclée », prévient Jason Stearns, le directeur de ce groupe d’experts indépendants qui suivent de près la situation politique, économique et sécuritaire en RDC et dont les bureaux se trouvent au Centre de coopération internationale de l’université de New York, aux États-Unis.
La RDC est plongée dans une crise politique depuis la non-organisation de l’élection du successeur de son chef de l’État sortant, Joseph Kabila. Le second mandat de ce dernier est arrivé à terme fin 2016. Mais, sous l’égide des évêques catholiques, un compromis politique avait alors été trouvé pour que Kabila reste en fonction et que la « période préélectorale » soit gérée de façon consensuelle, entre la majorité et l’opposition.
Seulement, cet accord dit de la Saint-Sylvestre, puisque conclu le 31 décembre 2016, a été « rapidement violé par la coalition au pouvoir, qui a profité de la discorde au sein de l’opposition pour coopter certains de ses membres dans un gouvernement et au sein du CNSA [Conseil national de suivi de l’accord, ndlr] », souligne le rapport. Finalement, la présidentielle reprogrammée fin 2017 n’a pas eu lieu. Si certains prisonniers politiques, interpellés pour divers faits, ont été libérés, « d’autres ont été arrêtés, et seuls quelques exilés politiques ont été autorisés à revenir au pays ».
Entre temps, une réforme électorale controversée a été adoptée mi-février dernier, laquelle « a créé de nouveaux obstacles financiers et juridiques pour les candidats » et mené à un « dédoublement systématique des partis de l’opposition », dénoncent les auteurs du rapport. Ceux-ci notent également qu’« au cours des deux dernières années, la violence dans l’est du Congo s’est accentuée de façon presque imperceptible mais catastrophique [le Groupe d’experts y dénombre 132 groupes armés, ndlr] ».
Comme l’Irak, la Syrie et le Yémen, la RDC a atteint fin octobre le niveau d’urgence humanitaire classé 3 par les Nations unies. Une conférence des donateurs est même prévue le 13 avril à Genève, une première dans l’histoire du pays.
"Faire de la tenue d’élections crédibles la principale priorité de la Monusco"
Dans ce contexte et dans la perspective du renouvellement du mandat de la mission onusienne en RDC, prévu le 31 mars, le GEC recommande au Conseil de sécurité de « faire de la tenue d’élections crédibles la principale priorité de la Monusco ». Et à « encourager les dirigeants de la Monusco à adopter une position de principe ferme en ce qui concerne les atteintes aux droits de l’homme et l’équité du processus électoral ».
Jason Stearns et les autres rédacteurs du rapport exhortent également le Conseil de sécurité à « définir clairement les conditions selon lesquelles la Monusco doit soutenir le processus électoral », mal engagé en RDC. En effet, ceux-ci regrettent qu’à ce jour « le sentiment demeure que la [Monusco] ne sait pas encadrer des élections de façon stratégique ». Alors que les pays partenaires hésitent à financer ces scrutins, la Monusco aurait prévu de demander 94 millions de dollars pour son soutien logistique à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Or, interrogés par le GEC, « la plupart des diplomates occidentaux et des responsables de l’ONU ont clairement indiqué que soutenir le processus électoral dans les conditions actuelles n’avait aucun sens, étant donné que les manifestations contre le gouvernement sont interdites, les personnalités de l’opposition, en prison, et les institutions politiques sous le joug du gouvernement ».
Si la Monusco boycotte le processus, il est probable que Kinshasa organise des élections dans des conditions moins favorables
Pour le GEC, en réalité, « la Monusco se trouve dans le pétrin » : « Si elle boycotte le processus [électoral], il est probable que de toute façon le gouvernement organise des élections dans des conditions certainement moins favorables, ou même en décidant de passer d’un suffrage direct à un suffrage indirect sous prétexte de manquer de financement. »
Que faire, donc ? Les auteurs du rapport demandent à la Monusco de conditionner son soutien logistique au processus électoral par l’ouverture de l’espace politique en RDC. À l’instar de l’Union européenne qui exige la description du climat politique avant d’apporter son soutien à l’organisation des élections dans le pays.
Concrètement, le GEC recommande au Conseil de sécurité de demander à la Monusco « d’évaluer le processus électoral et le climat politique d’ici août 2018, date à laquelle, selon le calendrier électoral, les candidats à l’élection présidentielle seront déclarés officiellement ». « Le Conseil de sécurité devrait par la suite décider si le processus électoral est suffisamment crédible pour pouvoir lui apporter son soutien », conclut le rapport.
Du côté de la Monusco, à Kinshasa, on rappelle que la mission onusienne « n’a aucun rôle » dans la définition de son nouveau mandat. Et que « conformément à la résolution 2348 du Conseil de sécurité, nous travaillons déjà sur deux priorités : la protection des civils et l’accompagnement de l’accord politique de la Saint-Sylvestre, conclu le 31 décembre 2016 », explique Florence Marchal, la porte-parole de la Monusco. « Nous mettons donc en oeuvre le mandat qui nous est donné », martèle-t-elle.
À New York, l’actuelle présidence néerlandaise du Conseil de sécurité a déjà entamé des consultations auprès des États membres pour le renouvellement, d’ici la fin du mois, de ce mandat de la Monusco. « Porte-plume » des résolutions sur la RDC, la France se charge, cette année encore, de rédiger l’ébauche qui sera discutée et adoptée le 31 mars. Ira-t-elle dans le sens du GEC ?
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