Afrique
En Ouganda, l’ouverture du procès fin octobre 2017, à Kampala, de plusieurs policiers ougandais ayant participé à l'arrestation et au retour forcé du Rwandais Joël Mutabazi, ancien membre de la garde présidentielle de Paul Kagame, met en lumière un phénomène qui semble plus vaste qu’il n’y paraît. Actuellement, des gens disparaissent en Ouganda. Sont-ils rapatriés de force au Rawanda ?
Mardi 31 octobre 2017, une femme, qui préfère rester anonyme pour sa sécurité, s’est présentée au bureau de l’ONG ougandaise The Pan-African Development Education and Advocacy Programme (PADEAP), qui apporte du soutien aux réfugiés. Elle est rwandaise, elle vit en Ouganda depuis 2001 avec son mari et ses cinq enfants. Mais son mari, un homme de la lignée du roi Kigeli qui a fui les persécutions dans son pays, a disparu depuis plus de 24 heures.
Son téléphone est éteint. Son épouse est affolée. « Nous sommes mariés depuis 21 ans et il n’a jamais fait cela avant. Où qu’il aille, il me prévient. Il n’est jamais parti comme cela, sans m’informer. Maintenant, je crains le pire. Peut-être qu’il a été tué. Il a disparu depuis hier. J’ai peur de dormir à la maison, peut-être que ces gens vont venir pour moi aussi. Je vais sans doute aller dormir chez des amis », confie-t-elle.
Joseph Wandega est avocat au sein de l’ONG PADEAP. Il a pris en charge le dossier de cette femme. Il a reconstitué une partie des faits. L’homme disparu a quitté son domicile après avoir reçu un appel d’une connaissance rwandaise qui souhaitait le voir. « Nous essayons de suivre ce dossier depuis ce matin. Nous avons commencé par identifier la première personne qui l’a appelé. Puis nous avons contacté la police d’investigation. Le policier a dit qu’il nous donnerait un rapport complet dans la soirée », explique-t-il.
Et de dresser le constat suivant : « Il y a des personnes qui disparaissent. Ce n’est pas rendu public. Mais avec les révélations récentes de la presse, et le fait d’en parler, cela va permettre de mettre en lumière qu’effectivement des gens disparaissent. Mais la menace existait déjà avant qu’on en parle, les Rwandais avaient déjà peur, disaient qu’ils faisaient l’objet de kidnappings par des personnes qu’ils ne connaissaient pas, peut-être des gens du gouvernement rwandais », expose-t-il.
Des arrestations illégales de réfugiés ?
Les Rwandais sont-ils rapatriés de force dans leur pays ? A Kampala s’est ouvert, la semaine dernière, le procès de plusieurs policiers ougandais ayant participé à l'arrestation et au retour forcé de Joël Mutabazi. Mais si des cas de personnalités comme cet ancien de la garde royale du président Kagame - rapatrié de force par les Ougandais - ont été très médiatisés, beaucoup d’anonymes semblent avoir vécu la même chose.
Aucune statistique officielle n’existe sur le sujet. Impossible de savoir combien de Rwandais ont ainsi été ramenés dans leur pays contre leur volonté. Nicholas Opiyo est un avocat spécialisé dans la défense des droits de l’homme. Il est le directeur de l’organisation ougandaise Chapter Four. Il a défendu le cas d’un réfugié rwandais, détenu par les Ougandais pendant plusieurs semaines et que ces derniers souhaitaient rapatrier de force au Rwanda. Devant la justice, il a obtenu sa libération.
Nicholas Opiyo critique l’action des forces de l’ordre ougandaises : « Après avoir géré ce cas, il m’est apparu assez clairement qu’il y a une certaine pratique, une section de la police ougandaise et des agences de sécurité qui arrêtent illégalement des réfugiés, les détiennent pendant longtemps, leur extorquent de l’argent et, ensuite, les rapatrient dans les pays voisins et, notamment, au Rwanda. »
« Je pense que depuis longtemps, continue-t-il, le gouvernement du Rwanda poursuit ceux qui sont considérés comme des dissidents, ceux qui sont critiques contre le régime, un peu partout dans le monde. Il y a des cas en Europe. Ce qui arrive en Ouganda n’est pas une exception. Cela est mis en place par le gouvernement du Rwanda avec l’aide d’une partie du système de sécurité ougandais », explique-t-il.
L’agence des Nations unies pour les réfugiés, l’UNHCR, évalue à environ 18 000 le nombre de réfugiés rwandais en Ouganda. Mais certaines ONG estiment que ce chiffre est sous-estimé. Beaucoup ne s’inscriraient pas officiellement sur les listes de l’ONU, ou alors ils s’inscriraient avec une fausse nationalité.
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Kampala, vue de nuit. (photo d'illustration)