Interview de Kabila à Der Spiegel : la MP relativise, l’opposition et la société civile dénoncent

L’interview du président Joseph Kabila au journal allemand Der Spiegel continue de faire des remous dans la classe politique. Si la Majorité présidentielle, quoiqu’embarrassée, essaie de relativiser, l’opposition et la Société civile sont très virulents vis-à-vis du chef de l’Etat qu’ils accusent directement de torpiller le processus électoral pour prolonger son bail à la tête de l’Etat.  

Ainsi pour Delly Sessanga, député national (Opposition) :

« L’interview de Joseph Kabila contient beaucoup de contradictions. En même temps, il semble ne pas reconnaitre l’Accord du 31 décembre 2016, il se dédit lui-même en renvoyant à la Ceni la responsabilité. Mais le président a peut-être oublié de souligner lui-même qu’il est au terme de l’article 69 de la Constitution, coresponsable du fonctionnement des institutions et du pouvoir public. Parce que par son arbitrage, il doit assurer le fonctionnement régulier du pouvoir public et des institutions dont la Ceni. Je ne peux comprendre que dans une démocratie, ayant ce rôle-là, il considère qu’il n’a aucune responsabilité. Ça me parait particulièrement grave ».

Et de poursuivre : « Aussi dans la construction de la solution après le dialogue du 31 décembre dont les conclusions lui ont été remises et dont il a tiré la conclusion à sa manière de pouvoir nommer un Premier ministre issu soi-disant de ce dialogue, le président de la République a pris parti pour indiquer que la tenue des élections n’est pas une affaire de la Ceni, mais une affaire de volonté politique. Parce qu’entre les lignes, on peut lire qu’il voudrait éviter les élections à la va-vite qui amènerait au chaos. Ça ce n’est pas la responsabilité de la Ceni, c’est sa responsabilité comme principal animateur des institutions. L’accord du 31 décembre est un engagement politique de toutes les parties prenantes y compris sa famille politique. Nous ne pouvons pas comprendre qu’aujourd’hui il puisse se soustraire de cet engagement et évoquer l’idée d’un probable référendum. »

Le député d'Envol en conclut que « cette interview à l’avantage d’avoir fixé une fois pour toute que la non-tenue des élections n’est pas une affaire technique de la Ceni, elle n’est pas une affaire de l’Opposition comme de fois on avait voulu l’accréditer, mais d’un calendrier ordonné par la famille politique du président de la République qui n’a pas voulu que les élections puissent se tenir et qui ne veut pas toujours que les élections se tiennent. Qu’à cela ne tienne, nous avons un accord qui veut que les élections aient lieu en décembre 2017 et nous souhaitons que tout le monde s’y astreigne, y compris le président de la République. Si tel ne devait pas être le cas, ça veut dire que le président de la République et son camp prennent la responsabilité de jeter ce pays dans un chaos qui est indescriptible. Nous y sommes déjà et celui-ci risque de s’approfondir ».

Même son de cloche repris par Claudel-André Lubaya, député national (Opposition) :

« Pour ma part, j'ai noté ce qui suit : le président Kabila ne reconnaît pas l'Accord du 31 décembre 2016 et n'y est pas lié. En conséquence, les engagements pris par ses délégués aux négociations ne le concernent pas ; les élections sont une illusion congolaise à laquelle il ne pense pas. Il n'en a jamais parlé tout comme il n'a jamais rien promis du tout à ce sujet. L'engagement pris par Bruno Tshibala et son équipe devant la représentation nationale en ce qui concerne la tenue des élections en 2017 est nul et de nul effet. Moralité : que ceux qui rêvaient encore de la mise en œuvre désormais hypothétique de l'Accord de la Saint Sylvestre se ressaisissent et oublient. Le décor pour l'incertitude étant planté, repenser et relancer le combat démocratique pour l'alternance devient une nécessité vitale et absolue ».

Toutefois, du coté de la Majorité, on réfute toutes ces prises de position de l'opposition comme étant des propos inexactes. Pour Lambert Mende (MP) :

« Le président n’était pas partie prenante dans les discussions. Les discussions concernaient les parties politiques prenantes. Il y avait la Majorité présidentielle, la société civile et l’opposition. Le président est celui qui a demandé aux évêques de rapprocher des points de vue. On lui a fait un rapport sur les dispositions qui ont été prises. Mais personne n’a dit que les 32 personnes qui étaient au centre interdiocésain étions substitués aux institutions de la République notamment le Président. D’ailleurs il [le Président Kabila] a pris la précaution de dire qu’à propos des élections, ce n’est même pas lui qui pouvait prendre un tel engagement. C’est plutôt la Ceni qui doit être interrogée sur le fait de savoir si oui ou non il y aura des élections en telle date. Il ne faut pas attribuer au Président un rôle que la Constitution ne lui reconnaît pas ».

Mais au travers de cette interview, l'Asadho, pour sa part, dit percevoir une nouvelle fois cette volonté du président de la République de se maintenir au pouvoir à tout prix. « L’agenda de Kabila devient de plus en plus clair. Nous savons tous que Joseph Kabila veut rester au pouvoir et pour cela il a mis la démocratie entre parenthèses. Je fais appel à toutes les plateformes politiques, religieuses et de la société civile, à organiser le peuple pour faire face aux enjeux du mois décembre 2017. Nous voulons le départ de Kabila », a affirmé Jean-Claude Katende, président de l’Asadho.

Et pour Sindika Dokolo, homme d’affaires congolais proche de Moïse Katumbi, il convient de mieux analyser les objectifs de la Majorité et y mettre un terme :

« Inutile d'aboyer. La caravane MP passe quoi qu'il en coûte. Il vaut mieux comprendre où elle veut aller et faire rempart pour la stopper net ».