Société
La France refuse de leur délivrer un visa. Cinquante-quatre enfants adoptés par des parents français sont bloqués en République démocratique du Congo (RDC). Les autorités invoquent des irrégularités "juridiques et éthiques". L'une des associations en charge de ces dossiers d'adoption, mis en cause par le Quai d'Orsay, s'inquiète quant à elle de l'avenir de ces enfants.
Certains attendent depuis plusieurs années. Cinquante-quatre enfants de République démocratique du Congo (RDC) qui avaient été adoptés par des familles françaises ne pourront peut-être jamais se rendre dans leurs nouveaux foyers, faute de visas. Les autorités de l'Hexagone ont décidé mi-novembre de suspendre les adoptions en RDC à compter du 1er janvier prochain. En cause, "des irrégularités constatées depuis des mois dans les dossiers" de ce pays d'Afrique centrale.
"Éviter le risque de trafics"
Le ministère des Affaires étrangères a justifié cette décision par sa volonté "d'éviter le risque de trafics d'enfants".
Parmi les "irrégularités" constatées: la "fraude documentaire", des consentements de parents biologiques donnés longtemps après le jugement d'adoption, ou même absents, une absence de preuve de décès des parents biologiques, mais aussi des enfants ayant "trois actes de naissances", ont précisé des sources au ministère. Pourtant, en 2016, 233 visas d'adoption ont été délivrés.
"Ces enfants ne sont pas volés"
Du côté des autorités congolaises, les familles adoptantes sont pourtant bien les nouveaux parents de ces enfants. Les jugements d'adoption et les autorisations de sortie du territoire ont été officiellement émis.
S'il reconnaît certaines irrégularités et des dysfonctionnements des services d'état civil, il estime que ces anomalies ont été corrigées et que la validation des dossiers par les autorités congolaises devrait primer. "Ces enfants ne sont pas volés", rappelle-t-il.
"Qu'est-ce qui se passe pour eux?"
Céline Boyard, avocate de plusieurs familles, estime que ce refus de visa est illégal. "C'est absolument inadmissible", a-t-elle déclaré dans La Croix. "En refusant ces visas, la France ne reconnaît pas la décision de la justice congolaise, car elle la vide de ses effets. Ceci est contraire aux règles du droit international. De plus, la France viole la Convention internationale des droits de l'enfant qui garantit à chaque enfant le droit à une vie de famille."
Les familles sont inquiètes. "Et maintenant? Qu'est-ce qui se passe pour eux, pour nous? s'interroge dans Le Parisien Sylvie, une mère adoptante. On ne peut pas nous avoir laissé faire des démarches éprouvantes pendant des années, avec des organismes qui étaient jusqu'alors habilités et contrôlés par le ministère, pour nous dire stop aujourd'hui. Il faut trouver une solution, on ne lâchera pas". Une pétition a été lancée afin d'interpeller le Défenseur des droits et une manifestation à Paris est prévue le 19 décembre prochain.
"Certains attendent depuis plus de quatre ans"
Si elles ne l'ont pas déjà fait, les familles de ces 54 enfants ont jusqu'au 31 décembre pour déposer une demande de visa d'adoption auprès de l'ambassade de France. Après cette date, "il ne sera plus possible juridiquement de donner suite", prévient le ministère des Affaires étrangères. Si cette demande de visa est refusée, les parents pourront ensuite déposer un recours à la commission de refus des visas. En dernier lieu, ils pourront contester cette décision devant le tribunal administratif.
Car avant la France, c'est la RDC qui avait bloqué leur adoption. Fin 2013, Kinshasa avait suspendu les autorisations de sorties pour les enfants adoptés par des étrangers. Ce n'est qu'en mars dernier que ce gel a pris fin. En définitive, 233 enfants ont pu rejoindre leurs familles adoptantes, sauf pour ces 54 derniers.
"Cela va nous enlever toute légitimité"
En plus de la décision de suspendre l'adoption en RDC, trois organismes qui étaient jusqu'alors autorisés se verront également retirer leur habilitation, dont l'association Vivre en famille. Maurice Labaisse, son président, craint que cette décision ne sape le travail mené par son association, agréée depuis 2008, pour "donner une image positive à l'adoption".
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