Santé
Selon notre interlocuteur, les pharmaciens de Kinshasa sont, depuis quelques jours, l’objet d’une traque policière commanditée par l’Ordre des pharmaciens et qui se termine par d’importantes sommes à payer en termes d’amende transactionnelle. Il ne s’agit pas d’une simple taxe ordinaire. Une source qualifiée de l’Ordre national des médecins, jointe hier au téléphone, a précisé que leur corporation a relancé la campagne contre les « charlatans » œuvrant dans le secteur de la Santé publique. Précisément, celui de la Pharmacie.
"Nous sommes déterminés à assainir ce domaine d’intérêt vital, a-t-elle clamé. Notre combat actuel est donc de valoriser le travail du Pharmacien. De ce point de l’objectif de la campagne actuelle est de décourager tous ceux qui, n’ayant aucune qualité de tenir une Pharmacie, croient s’y aventurer en toute impunité ".
Dans son argumentaire, la même source de l’Ordre des pharmaciens justifie la campagne en cours par l’application des lois du pays. "Une loi organique promulguée depuis 1997 veut qu’une pharmacie soit tenue par des personnes qualifiées, détenteurs de diplôme en pharmacie, dûment délivré par une institution d’Enseignement supérieur et universitaire soit officielle, soit privée agréée. Malheureusement, il est constaté qu’au fil des années, cette prescription de la loi souffre durement d’application. Par conséquent, le secteur de Pharmacie en Rd.Congo ressemble, à nos jours, à n’importe quel autre marché de vente de denrées alimentaires où n’importe qui entretient un étal. Cette triste réalité est insupportable parce qu’il s’agit d’un domaine qui touche directement à la vie des populations ".
Par ailleurs, dans les milieux de la corporation des blouses blanches, on évoque aussi des aspects liés à l’éthique et à la déontologie du pharmacien. " Le métier d’apothicaire n’est pas un travail ordinaire. Tout pharmacien est tenu au respect des normes régissant son travail. Et, ce code d’éthique et de déontologie du pharmacien fait partie du cursus de tout futur pharmacien professionnel. Et donc, il s’apprend à l’école et non dans la rue ", précise l’Ordre national des pharmaciens, actuellement présidé par M. Chandende.
" Ces pharmaciens non qualifiés sont à la base des maux plusieurs fois dénoncés, se plaint un membre de l’ordre. Nombreux ont fini par encourager l’automédication. Car, préoccupés par l’argent, la plupart des pharmaciens formés sur le tas, vendent souvent des produits sans exigence préalable de l’ordonnance médicale. D’autres vont parfois jusqu’à vendre des médicaments, sans se donner la moindre peine d’expliquer la posologie ou mode d’emploi du même produit à son client. Ce comportement est bien grave. Pourtant, le pharmacien joue le rôle d’intermédiaire entre le médecin et le malade. Et la moindre défaillance du côté du malade peut se retrouver dans une situation d’overdose, susceptible de provoquer des complications allant parfois jusqu’à entrainer la mort ".
100.000 PHARMACIENS FORMES POUR UNE MEGALOPOLE DE PLUS DE 10 MILLIONS D’HABITANTS…
En tout cas, ce ne sont pas des pharmaciens qualifiés qui manquent à Kinshasa. Selon des statistiques du ministère de la Santé publique, quelque 100.000 Kinois formés en pharmacie avaient été recensés en 1997. La même année, près de 400.000 pharmacies avaient également été dénombrées dans la vaste métropole congolaise.
Près de vingt ans après, il est bien évident que ces chiffres aient sensiblement augmenté. Sur base de ces données déclarées et non vérifiées, un opérateur économique évoluant dans le secteur de pharmacie, évoque le déséquilibre entre l’offre toujours croissante et la faible demande.
" Nous ne sommes pas contre la détermination de l’Ordre des pharmaciens à assainir le secteur. Cependant, la lutte ne doit pas exclure certaines évidences de notre société. Kinshasa est une grande ville. Admettons qu’il y ait 200.000 pharmaciens formés ayant en face d’eux 500.000 pharmacies. Par quelle alchimie arriveraient-ils à occuper toutes les pharmacies dans une ville comme Kinshasa, ayant une densité estimée à 10 millions d’habitants ? Simplement irréaliste ", déclare ce jeune commerçant d’une quarantaine d’années.
Pour les concernés, la solution idéale n’est pas dans la traque. Bien au contraire. Ils suggèrent plutôt un modus operandi. " La loi de 1997 veut que seuls les pharmaciens qualifiés tiennent les pharmacies. Kinshasa n’est pas la République démocratique du Congo. Combien de pharmacies existe-t-il sur l’ensemble du territoire national ? Je m’imagine que même le ministre de tutelle ne saurait avancer des chiffres réels qui ne soient de simples estimations. Il est bien beau que tout Congolais ayant investis dans le secteur de Pharmacie, sans en avoir les qualités requises, puisse en assumer la supervision. C’est-à-dire que la vente soit confiée à un pharmacien dûment formé. Mais, cela nous paraît insuffisant, compte tenu des réalités de notre pays. Je suis de ceux qui pensent que la solution à ce problème réside dans la création des Zones de santé, spécialement dans ce domaine. La proposition avait été faite sous Léonard Mashako Mamba, alors, ministre de la Santé. Hélas. Rien n’a été traduit en actes concrets ".
A LA SUITE DE CE QU’ILS QUALIFIENT DE TRACASSERIE POLICIERE
Les opérateurs économiques du secteur pharmaceutique à Kinshasa, renvoient la balle dans le camp de l’autorité politico-administrative. " L’Etat nous exige de payer 600 dollars US de salaire mensuel à un pharmacien formé. C’est exorbitant. Où trouverons-nous cet argent ? Nous vendons généralement des produits génériques qui coûtent moins chers, et non pas des médicaments spécialisés dont la valeur marchande est très élevée par rapport au faible pouvoir d’achat de nos populations. Compte tenu de toutes les charges sociales et de différentes taxes, payer 600 dollars Us de salaires mensuels à un pharmacien relève de l’utopie ", a encore déclaré le même commerçant.
Par ailleurs, les opérateurs économiques du secteur pharmaceutique à Kinshasa, dénoncent la tendance du numéro 1 de leur corporation qui, selon eux, donne l’impression de se substituer à l’autorité politico-administrative.
" Nous dépendons de la Division urbaine de santé et non de l’Ordre des pharmaciens qui n’est qu’une structure privée, à l’instar de l’Ordre des médecins ou des avocats ", déclare sur un ton de révolte, un propriétaire de pharmacie. Tout porte à croire que les activités des pharmacies de Kinshasa pourraient être paralysées dans les jours à venir, au cas où les deux parties ne parvenaient pas à accorder leurs violons.
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