La couturière Sonia Rykiel tire sa révérence

Un très grand nom de la mode disparaît. Sonia Rykiel est morte à l'âge de 86 ans, a annoncé sa famille à l'AFP ce jeudi 25 août. "Ma mère est décédée cette nuit à Paris, chez elle, à 5 heures du matin, des suites de la maladie de Parkinson", a déclaré sa fille Nathalie Rykiel, elle aussi femme de mode.

Née Sonia Flis le 25 mai 1930 à Paris, d'un père français et d'une mère roumaine, la grande couturière était surnommée "la Reine du tricot". Dans un portrait publié par Le Monde en 2013, elle décrivait son "P de P", son "putain de Parkinson". Elle avait dévoilé sa maladie dans un livre sorti en 2012.

Connue notamment pour ses pulls, elle fut aussi l'inventrice du principe de la démode, "selon lequel il faut porter le vêtement pour son propre corps, et non en fonction des diktats que la mode lui impose", comme on peut le lire sur son site. "Le pantalon c’est la possibilité de l’égalité entre les femmes qui ont de belles jambes et celles qui n'en ont pas", affirmait-elle par exemple.

Sonia Rykiel avait commencé sa carrière comme étalagiste en 1948. Elle a fait irruption dans la sphère de la mode à la fin des années 1960 et a réussi à rester adorée même après que la maladie de Parkinson la force, en 2007, à laisser les rênes de la direction de sa marque à sa fille (avant d'être finalement achetée par le groupe hongkongais Fung Brands en 2012).

Sonia Rykiel dans les années 1970 (MUUS/SIPA)

Son nom est rapidement devenu synonyme du style décalé, séduisant et indépendant qui régnait Rive Gauche à l'époque. Dans les années 1980, elle représentait déjà une esthétique sexy mais recherchée, souvent nimbée de glamour un brin kitsch de l'univers du cabaret, comme le prouve cette photo de la créatrice immortalisée en mars 1984 en marge d'un défilé.

C'est l'une des premières stylistes à adopter le color-block et l'utilisation des imprimés rayés, Sonia Rykiel raffolait de sa palette de noir, blanc et bleu associée à des touches de rouge. Elle adorait prendre des risques, comme lors de son défilé printemps/été 1994 où le top-model Helena Christensen arborait les deux tendances simultanément, le tout associé à une cape et un top-brassière très contrasté. Ses créations masculines étaient tout aussi osées, surtout lorsqu'elles mélangeaient coloris et imprimés, comme lors du défilé automne/hiver 1996.

Sonia Rykiel pour H&M

Surnommée la reine du tricot, du fait de son utilisation inventive de la maille, elle s'est aussi illustrée avec de voluptueux col-roulés en dentelle transparente, comme lors du défilé automne/hiver 1996. Elle a lancé la tendance de l'imprimé animalier bien avant tout le monde, comme le montre sa présentation printemps/été 1997 très sauvage.

A la fin des années 1990, elle commença à se tourner vers la fourrure et une esthétique empreinte de sensualité et de luxe mais néanmoins confortable. Son défilé automne/hiver 1998 faisait la part belle aux gilets tout-confort ourlés de fourrure portés ouverts sur des brassières en tricot : la contradiction parfaite incarnée par Naomi Campbell. Avec les années, la couleur s'insinua aussi dans les fourrures, pour culminer lors du défilé automne/hiver 2001 tout en chatoyants volumes.

Mais La créatrice n'a jamais remisé sa passion du cabaret, et bien que sa maison ait toujours été associée à ses rayures signatures immédiatement reconnaissables, on adorait aussi d'elle l'ambiance boîte de nuit théâtrale qui émanait de certaines de ses pièces. Pour ce faire, elle n'hésitait pas à intégrer à ses collection de grands chapeaux, comme lors du défilé printemps/été 2002.

Le prêt-à-portait lui tenait aussi beaucoup à cœur, sa griffe a beaucoup misé sur des pulls aux imprimés clin d'œil comme ceux vus lors des présentations de l'automne/hiver 2002, tout comme ce trio de pulls masculins identiques vus sur le podium à l'automne/hiver 2003.

Rykiel aimait aussi l'art du détail, comme avec cette tenue espiègle de la collection printemps/été 2004 agrémentée d'un ruban noir très girly et d'une grosse broche Elvis, ou ce look en fourrure de la tête aux pieds accessoirisé d'un simple béret noir (automne 2004). Autant d'exemples qui ont réussi à incarner la quintessence de la Parisienne énigmatique.

La grande couturière avait joué son propre rôle dans le film de Robert Altman, "Prêt à porter", tourné durant la semaine de la mode à Paris au printemps 1994.

Sur Twitter, de nombreux hommages lui ont été rendus, notamment de François Hollande et Manuel Valls. Le président de la République a salué "une femme libre, une pionnière", tandis que le premier ministre évoquait une "fabuleuse créatrice de mode qui a réinventé la femme moderne".

La ministre des Affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a aussi estimé que Sonia Rykiel avait "su donner aux femmes de nouvelles libertés". Et la ministre de la Culture Audrey Azoulay a salué "une femme exceptionnelle, libre et flamboyante", dont la maille "incarnait la liberté de mouvement et l'indépendance d'esprit".

Quelques collections de Sonia Rykiel : 

Sonia Rykiel préconisait « la démode », invitant chaque femme à refuser les diktats des créateurs pour créer sa propre garde-robe, adaptée à son corps et à sa personnalité. Tour d’horizon de ses défilés des années 80 à la fin des années 90.

Defilé prêt-à-porter Printemps-été 1992.

Defilé prêt-à-porter Printemps-été 1993.

Defilé prêt-à-porter Printemps-été 1992.

Defilé prêt-à-porter Printemps-été 1988.

Naomi Campbell defile pour Sonia Ryckiel, defilé prêt-à-porter Printemps-été 1989.