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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 08 avril 2024
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Société

Viols en RDC : briser le silence…

2016-03-07
07.03.2016 , Kinshasa
Femme
2016-03-07
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http://www.mediacongo.net/dpics/filesmanager/actualite/2016/mabunda_jeannine_16_001.jpg Kinshasa-

Jeanine Mabunda, représentante spéciale du chef de l’Etat pour la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement des enfants soldats

Devant la Commission des droits de l’homme des Nations-Unies, réunie à Genève, vous allez décrire la manière dont vos services combattent la violence sexuelle en République démocratique du Congo et vous allez nier qu’il puisse y avoir en ce domaine une « singularité congolaise »…

Je ne crois pas que le Congo soit un pays spécialement dédié aux violences faites aux femmes et aux enfants… Partout où il y a des zones de tension, partout où l’Etat est affaibli ou défié par des groupuscules militarisés, les droits de la femme reculent.

Porter atteinte aux femmes, c’est une technique de guerre : terroriser une communauté au travers des femmes porteuses de valeurs de paix, d’identité, de communauté… Dès ma nomination, au sortir de la guerre avec le mouvement rebelle M23 en 2013, j’ai constaté, au vu des enquêtes internationales, que la RDC ne figurait pas dans le triste palmarès des pays les plus fréquemment cités à propos des violences sexuelles. Même s’il est vrai que durant les deux dernières décennies, les femmes ont subi les conséquences des guerres, des rébellions à répétition. En 2013, cette spirale sanglante s’est arrêtée, l’armée congolaise a pu faire respecter notre population, notre territoire. Autant les militaires, avec bravoure, ont sauvegardé l’unité du pays, autant ils mènent aujourd’hui, avec nous, un autre combat, contre les violences faites aux femmes…

Pourquoi vous associez vous aux militaires, alors que l’armée est si souvent critiquée ?

Il est vrai que l’armée a souvent été citée dans le passé, mais d’année en année, à mesure qu’à l’Est la paix s’installe, on constate que les cas de violences reportés en justice diminuent. Le fait que ces violences soient liées à des conflits ne nous exonère cependant pas d’un travail sur les mentalités, sur les perceptions, sur le rôle de la femme congolaise dans la société aujourd’hui.

Sortis de la guerre, nous voulons aujourd’hui nous reconstruire comme nation. Pour les générations futures, il est important d’expliquer aux enfants ce qui s’est passé… C’est pourquoi nous avons demandé aux artistes si cette violence avait déjà été exprimée dans l’art, par le passé. Il nous a été répondu qu’au contraire, toutes les formes d’art congolais, et en particulier la peinture, la sculpture, valorisaient la femme, toujours représentée comme maman, complice, confidente, trésorière… Compte tenu de ce passé marqué par le respect de la femme, je m’inscris en faux contre ceux qui assurent que la RDC serait la « capitale du viol »…

Mon travail, c’est de porter sur cette question la voix de tous les Congolais. Les jeunes d’aujourd’hui ne veulent plus se laisser définir par la guerre et les violences à l’Est… A Goma comme à Bukavu, les gens me demandent de rappeler que leurs provinces sont extraordinairement belles, que l’esprit d’entreprise est très fort, que la volonté de vivre ensemble existe… Même lorsque le pays était divisé, personne n’a changé de drapeau, d’hymne national, de monnaie… La population congolaise demeure très unie, les politiques le savent bien…

Contestez vous les chiffres démontrant l’ampleur des violences sexuelles ?

A ce sujet, beaucoup de gens (des ONG, des partenaires internationaux) ont parlé à notre place. Il est temps maintenant de faire entendre la voix des Congolais eux-mêmes, de refléter la réalité de ce pays où 65% des citoyens ont moins de 35 ans et ne se caractérisent nullement par cette seule question de la violence à l’Est…

Sur Internet, on lit des chiffres extravagants, on assure que 200 femmes seraient violées chaque 24 heures, soit 36.000 par mois ! C’est du délire… Tout cela démontre combien c’est à nous qu’il appartient de dire notre vérité, en tant que personnes, en tant que nation. A force de répéter, de hausser le ton, nous finirons par être entendus. Tel est aussi le but de notre campagne : « briser le silence ». Il ne s’agit pas seulement de communication. Moi qui ne suis pas issue du monde des ONG, des provinces de l’Est (je viens de l’Equateur) je mène ce combat car je veux que l’on nous définisse autrement que par ces images de femmes suppliciées…

Quels sont les piliers de votre action ?

Nous avons décidé de nous fixer sur six piliers, dont surtout la capacité à démontrer aux victimes qu’elles ont le droit d’aller en justice, de parler de ce qui leur est arrivé. Lors du procès de Minova (où avaient comparu des militaires accusés de violences sexuelles) il avait été reproché à la RDC de ne retenir que des sanctions assez légères à l’encontre de membres des forces armées. Dans ces anciennes zones de conflit, les moyens de collecte de preuves étaient extrêmement délicats et parfois inopérants. En outre, le dispositif judiciaire n’était peut-être pas adapté.

Compte tenu de ces observations, nous avons mené notre autocritique au niveau du ministère de la Défense, de la justice militaire et civile, des parquets et nous avons décidé de renforcer la loi de 2006, qui condamne tout fait de viol. Nous avons surtout visé les viols de personnes mineures, quand bien même elles seraient consentantes (ce qui peut arriver, dans les bars, sur les chantiers, etc.) : désormais, nous considérons que toute relation intime avec une personne mineure de sexe opposé peut être considérée comme un viol. Cette loi atteint aussi des personnes qui utiliseraient leur aisance financière pour abuser de mineures : des comédiens célèbres et même des députés nationaux ont été interpellés sur ces sujets.

Pouvez vous citer des cas de sanctions effectives contre des militaires ?

Sur le plan de la justice militaire, notre tâche n’a pas été facile car notre armée nous a tout de même permis de gagner la paix, de maintenir l’intégrité de notre territoire… Nous avons commencé à travailler dans les structures de l’armée. C’est ainsi qu’en 2014 nous avons aidé à la prise de sanctions en matière de viols, dans 135 cas relevés au Sud Kivu. Nous avons aussi obtenu, entre autres, la condamnation du général Kiakwavu, un seigneur de guerre qui sévissait dans la Province Orientale du côté de l’Ituri. Il contraignait régulièrement des filles mineures à avoir des relations sexuelles avec lui. Dans le cadre de la réconciliation, il avait été réintégré au sein de l’armée congolaise avec le grade de général. Mais les mamans des victimes, des femmes modestes, très peu lettrées, vivant dans des zones reculées, se décidèrent à porter plainte contre lui. L’instruction a pris sept ans, il a fallu collecter des preuves, recueillir des témoignages, faire face aux pressions exercées par le présumé coupable… Mais en août 2014, la justice publique militaire congolaise a convaincu le coupable de sept ans de servitude pénale et de 100.000 dollars de dommages et intérêts. De grands moyens avaient été déployés pour assurer la sécurité des mamans et de leurs filles.

C’est la justice militaire elle-même qui a fait le nettoyage dans ses propres rangs, et les sanctions ont été appliquées. Un autre cas est celui du colonel dit « 106 » qui a lui aussi été condamné.

Nous aimerions que les ONG internationales soient mieux informées de nos efforts et fassent plus souvent mention du travail qui a été réalisé à Rutshuru, Mdandaka, Kananga, dans le Masisi. Systématiquement, on essaie de s’assurer du fonctionnement de la justice civile et militaire, mais il est vrai que cette dernière ne communique pas suffisamment sur le sujet…Dans des zones reculées, le Masisi ou Rutshuru, on essaie aussi de faire arriver une justice foraine.

Je peux vous citer le cas de nombreux magistrats, de parfaits inconnus cependant, qui se mobilisent pour que la justice fonctionne.

En quoi consiste la campagne "briser le silence" ?

Dans les milieux ruraux, les femmes, ne connaissant pas leurs droits, n’osent pas se plaindre. C’est pourquoi nous avons impulsé une campagne « briser le silence », par laquelle nous avons mis sur pied un call center, proposant un numéro que les femmes peuvent appeler de manière anonyme. Les femmes sont écoutées et conseillées dans les quatre langues, on leur explique comment porter plainte, voir un médecin, etc. Les appels sont enregistrés, les victimes sont orientées vers un avocat…

Cette campagne « briser le silence » a commencé à Kinshasa, puis à Goma et Bukavu, avec des sifflets, des brochures, etc. Nous avons été surpris par la réaction de la diaspora congolaise, qui se faisait photographier et diffusait des images « non au viol ». Il y a eu au moins trente mille réactions, plusieurs artistes se sont engagés… Nous voulons poursuivre cette campagne dans l’ensemble du pays, avec l’appui de compagnies de télécommunications, de sponsors publics ou privés.

Lorsque des procès ont lieu, des membres de mon bureau sont présents dans la salle et nous sommes surpris de voir combien les Congolais sont attachés à ce que la justice se fasse…

Il y a de réelles avancées dans ce pays, comme le fait que trois femmes ont été promues au grade de général, dont l’une, formée en Israël est désormais chargée de la formation de policiers…

En mars 2016 nous avons signé avec le Bureau des Nations unies un plan de lutte contre les violences sexuelles. Des commandants de brigade avec plus de 30.000 personnes sous leurs ordres, ont signé publiquement une déclaration sur l’honneur s’engageant à bannir les violences sexuelles…

Cette lutte est devenue une cause nationale et en décembre dernier, le chef de l’Etat a lui aussi assuré qu’il s’agissait d’une priorité…

Après que nous ayons décidé d’inspecter les Parquets, nos experts ont fait le tour de tout le Congo, pour constater que finalement la justice militaire était plus sévère que la justice civile et que la ville où il y avait le plus de cas rapportés c’était Kinshasa, avec ensuite le Bas Congo et le Katanga ! Le « nouveau visage » de la violence sexuelle au Congo doit être redéfini et je souhaiterais que les Nations unies puissent intégrer nos chiffres dans leurs rapports.

Le deuxième volet de notre action, c’est la lutte contre le recrutement d’enfants. Au cours des dix dernières années, on a démobilisé 46.000 enfants soldats et aujourd’hui ces enfants ont disparu de l’armée. En 2015, l’Unicef a réalisé un audit à travers tout le Congo, et nous voulons que notre pays soit « délisté », sur base d’éléments objectifs.

Au Congo, il n’y a pas que la guerre, le viol… Ce pays compte beaucoup de héros dans l’ombre qui réalisent des choses extraordinaires…


Le Carnet de C. Braeckman / MCN
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Hénoc @II89353   Message  - Publié le 07.03.2016 à 16:56
l'homme qui helas repare ou mieux soigne les femmes a déjè aidé à briser suffisamment le silence sur le viol et ce meme au niveau international. Aujourd'hui le silence à briser c'est sur le respect de la constitution et sur le troisième mandat ou pas.

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