Culture
Au son de la musique, les habitants de la localité enclavée de Muhuya abandonnent truelle, machette, marmite ou jouets de fortune pour se masser au bord de la route. Et danser. Les enceintes de l’ONG Ieda-Relief diffusent sept chansons réalisées pour tenter de rapprocher les Bantous et Pygmées, en conflit ouvert depuis fin 2013 dans la province du Tanganyika, dans le sud-est de la République démocratique du Congo.
Les combats entre milices des deux communautés ont fait environ 650 morts entre 2014 et 2015, selon des données du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR). De nombreuses habitations ont été incendiées et des dizaines de milliers de personnes, bantous et pygmées, ont dû fuir. En août, le Pooled Fund, un fonds humanitaire d’urgence, a débloqué 2 millions de dollars pour assister quelque 60.000 sinistrés.
Depuis l’attaque d’un camp de déplacés pygmées en avril à Nyunzu – qui avait fait quelques morts, selon les autorités, contre plusieurs dizaines, d’après l’ONU et Human Rights Watch – aucun incident majeur n’a été signalé. Rassurés, des déplacés retournent chez eux. A Muhuya, Ieda-Relief a participé à la création de "comités villageois de développement" pour désamorcer les tensions et d’un champ où Bantous et Pygmées cultivent ensemble.
Chanter la réconciliation
Mais au pays de la fameuse rumba, Augustin Nge, chargé des programmes de l’ONG, a estimé qu’il fallait aussi passer par la musique. Résultat : sept morceaux plus ou moins entraînants en français et langues locales, et inspirés ou écrits par des Bantous et Pygmées. Mais "il ne suffit pas de chanter la réconciliation, il faut que ça sonne bien à l’oreille ! On a fait appel à des musiciens de Viva la Musica, de Papa Wemba, pour aider pour les arrangements parce qu’on voulait que ce soit original", poursuit le responsable d’Ieda.
"Quand il y a un problème, il faut savoir parler et trouver une solution car la guerre freine le développement, fait couler les larmes, fait couler le sang des innocents. En période de guerre, nos mères, nos sœurs sont violées. Nos enfants exploités et même placer à la première ligne d’attaque sur champs de bataille. Cultivons la paix, l’amour et construisons notre beau et grand Congo", plaide Guerre, un morceau du Bantou Sando Marteau.
Pendant des générations, des Bantous ont discriminé et exploité des Pygmées, les faisant travailler contre une faible rémunération en argent ou en nature (manioc, cigarettes, alcool…). Les chasseurs-cueilleurs, dont le mode de vie est menacé par l’exploitation forestière, l’extension des terres agricoles ou encore la sédentarisation, ont obtenu des avancées en termes d’accès à l’école, à la santé ou au vote, mais veulent l’égalité.
Actions de pacification
"Je me demande sans trouver de réponse, si le Pygmée est une créature humaine ! S’il est humain, pourquoi pourrait-il être négligé ? A vous de donner la réponse !", lance Pascal Amisi Fumbwe, un Pygmée qui se décrit comme "instruit" et qui a écrit la chanson Cohabitation pacifique, dictée par les violences dont il a été témoin, et notamment le calvaire d’un homme arrivé dans un hôpital avec une flèche plantée dans le dos.
"Tous ensemble, formons un seul peuple. (…) Ne cherchons pas à nous entretuer. Et nous autres qui sommes restés ici, cultivons la paix entre nous et restons ensemble. Cultivons nos champs ensemble. Nous devons aussi nous marier entre nous", poursuit Pascal Amisi Fumbwe. Car l’une des frustrations majeures est que les Bantous refusent de laisser les Pygmées épouser leurs femmes, les jugeant trop peu éduqués et incapables de payer la dot.
Ce que réfutent nombre de Pygmées, dont le chef milicien Kyungu Moket, alias "7-7" – "saba-saba" en swahili, qui fait référence au vent violent qui souffle surtout en juillet dans la région du lac Tanganyika et peut causer des naufrages. "Effectivement, certains Pygmées n’ont pas étudié, mais des Bantous aussi !", précise le rebelle qui – en visite à Balumbu-Ngoy, autre zone de retours – dit vouloir se consacrer à la réconciliation.
A Muhuya, Balumbu-Ngoy et bien d’autres localités, les actions de pacification se multiplient : matchs de football, pièces de théâtre… La musique de Ieda, elle, circule d’un village à l’autre avec des cartes mémoires distribuées aux habitants. Début février à Kinshasa, Augustin Nge a tenté de récolter des fonds pour une "diffusion à grande échelle". La cible : les radios communautaires, principal outil d’information dans les zones enclavées.
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