Aller à l’école la peur au ventre. Dans les provinces des Nord et Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, les enfants souffrent de la violence des groupes armés en guerre depuis vingt ans. Des militaires et miliciens qui n’hésitent pas à attaquer les établissements ou s’en servir de centre de recrutement et de base militaire, selon un rapport de l’organisation américaine Human Rights Watch publié mardi 27 octobre.
D’après ce document, qui s’appuie sur les témoignages de 120 personnes du milieu scolaire, officiel, onusien et associatif, les violences contre les écoles ont « fortement augmenté début 2012 », avec la naissance du M23, une rébellion dissoute fin 2013. La lutte contre les insurgés a mobilisé une grande partie de l’attention des forces régulières, permettant à d’autres groupes de gagner du terrain.
Certaines écoles ont été réduites en cendres, annihilant les efforts des villageois qui, malgré leurs maigres ressources, s’étaient cotisés pour les construire, précise Human Rights Watch. Dans certains cas, des miliciens ont tué ou blessé des employés.
L’armée, le M23, et des groupes comme les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), rébellion hutu rwandaise dont des membres sont suspectés d’avoir participé au génocide des Tutsi en 1994, sont accusés d’avoir usé d’écoles militairement. Interrogé par Le Monde Afrique, Bertrand Bisimwa, chef du M23, a démenti ces exactions. « Je ne vois que de la spéculation et non des faits concrets », a-t-il balayé. « Nous récusons fermement », a lancé pour sa part La Forge Fils Bazeye, porte-parole des FDLR.
Des classes converties en bases militaires
Selon le rapport, « les parties belligérantes ont enrôlé illégalement des enfants, y compris par la force, soit dans les écoles ou lorsqu’ils s’y rendaient ». Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) indique que près de 47 000 mineurs, dont près de 9 000 filles, ont échappé à des forces et groupes armés entre 2005 et 2014 en RDC. La majeure partie a été enrôlée au Nord-Kivu, qui enregistre 44 % de mineurs non scolarisés, le plus fort taux du pays, et au Sud-Kivu, cinquième, avec 30 %.
Grâce à un plan d’action signé par l’ONU et le gouvernement en 2012, le recrutement d’enfants par les FARDC (Forces armées de la RDC) appartient pratiquement au passé. La section protection de l’enfant de la Monusco a annoncé la préparation d’une nouvelle campagne sur ce thème.
Human Rights Watch souligne toutefois que les belligérants ont « enlevé d’innombrables jeunes filles » pour les violer ou en faire des esclaves sexuelles, et que les victimes « quittent souvent l’école » à cause de la stigmatisation et crainte d’être à nouveau agressées.
Il arrive que l’armée et les groupes armés « ne prennent que quelques classes ou la cour de récréation » pour leurs opérations, mais aussi que les armées « convertissent une école entière en base militaire, caserne, terrain d’entraînement ou dépôt d’armes et de munitions », rapporte l’ONG. Cette reconversion en base militaire fait des bâtiments scolaires des cibles potentielles pour la partie adverse, et met en danger les élèves et enseignants qui continueraient à les fréquenter. Sans compter que même évacuées par les forces loyalistes ou rebelles, les établissements peuvent demeurer dangereux si des munitions y restent.