Son annonce était attendue. Mercredi 9 septembre, depuis son fief d’Amman, le prince Ali Ben Al-Hussein a officialisé sa candidature à la présidence de la Fédération internationale de football. A 39 ans, celui qui dirige la Fédération jordanienne depuis 1999 se lance pour la seconde fois à la conquête du trône du Suisse Joseph Blatter, 79 ans et en poste depuis 1998, qui a promis de lâcher les rênes de l’institution, le 26 février 2016, lors de son congrès électif extraordinaire.
Soutenu par la majorité des pays membres de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et par leur patron Michel Platini, il était parvenu à mettre en ballottage (73 voix à 133) le patriarche du foot mondial, le 29 mai, avant de se retirer.
«
Il y a dix mois, j’ai été la seule personne à oser défier M. Blatter. J’ai concouru car je crois que la FIFA a besoin de changements. Et j’ai eu le courage de me battre pour ce changement quand d’autres étaient effrayés, a déclaré le prince Ali, qui a été vice-président de la Fédération internationale de 2011 à 2015
. J’ai perdu cette élection. Non pas parce que je n’étais pas le meilleur candidat, mais car d’autres m’ont utilisé pour se faire de la place pour eux-mêmes. Ils n’ont pas eu le courage d’être candidats, contrairement à moi. Depuis que le président Blatter a promis qu’il abdiquerait [le 2 juin], ils se sont précipités pour se réserver le poste ».
« Il s’est senti manipulé par Platini »
Cette attaque virulente vise Michel Platini, qui a annoncé, le 29 juillet, qu’il briguerait la succession de son ancien mentor et allié Joseph Blatter. L’ancien capitaine de l’équipe de France avait pourtant renoncé, en août 2014, à affronter l’Helvète dans les urnes. Grandissime favori du prochain scrutin, l’ex-numéro 10 des Bleus avait reçu, cet été, le prince Ali dans sa demeure de Cassis avant de se lancer officiellement dans la course. Une fois la candidature du triple Ballon d’or (entre 1983 et 1985) annoncée, le fils du roi Hussein et demi-frère du souverain Abdallah II avait critiqué cette initiative :
« Platini n’est pas bon pour la FIFA. Les fans de foot et les joueurs méritent mieux. La FIFA est empêtrée dans le scandale […]. La culture des arrangements en coulisse, en sous-main, doit prendre fin. La FIFA a besoin d’un leadership indépendant, lavé des pratiques du passé. »
Pour de nombreux connaisseurs des arcanes de la FIFA, le prince Ali «
s’est senti manipulé par Platini, qui l’a poussé contre Blatter ». « Mes amis, je ne me suis pas présenté la première fois pour préparer la place à d’autres, a confié ce membre de la famille royale hachémite depuis Amman
. Cette élection doit être tournée vers le football et non vers des ambitions personnelles ». Lundi 7 septembre, à Manchester, en marge de la conférence SoccerEx, il avait déjà décoché quelques flèches au président de l’UEFA : «
Nous avons besoin d’un candidat d’avant-garde, avec de nouvelles idées qui ne sont pas entachées par le passé. Michel Platini doit son introduction dans la gouvernance du football au fait qu’il était un protégé de Sepp Blatter, c’est la réalité ».
Une façon de polir son image de candidat réformateur, épris de transparence et opposé à la culture du « secret » si chère à la FIFA. Apprécié par les médias occidentaux, il ne siégeait pas encore au comité exécutif de la Fédération internationale, le 2 décembre 2010, au moment du vote d’attribution des Mondiaux 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar. A l’automne 2014, il avait réclamé la publication du rapport d’enquête de l’ex-procureur américain Michael Garcia sur les conditions d’obtention des deux prochains tournois planétaires.
« Tout ce qui s’est passé au sein de la FIFA était connu des dirigeants »
Alors que la Fédération internationale est ébranlée par une litanie de scandales de corruption, le prince Ali avait estimé que «
tout ce qui s’est passé au sein de la FIFA était connu des dirigeants. » « Si l’élection est organisée de manière correcte, propre et sans interférence, je suis sûr de pouvoir l’emporter », avait-il ajouté.
A l’aise face aux journalistes, anglophone et diplômé de la très huppée Salisbury School (Etats-Unis), le président de la Fédération jordanienne avait marqué particulièrement les esprits, le 29 mai à Zurich, en annonçant son retrait avant le second tour. Il s’était lancé dans la course en janvier, parrainé par les Etats-Unis, l’Angleterre, la Géorgie, Malte et la Biélorussie. «
Je crois que le prince Ali a les qualités requises pour faire un bon président de la FIFA, glissait en avril au Monde le président de la Fédération maltaise, Norman Darmanin Demajo
. Sa culture et son parcours font de lui le candidat idéal pour unir le monde du football au moment où il est divisé et fragmenté, une situation qui menace les aspects commerciaux du jeu. »
A une semaine du scrutin, le prince Ali avait bénéficié du retrait du candidat hollandais Michael Van Praag, qui s’était rallié à lui. L’ex-star portugaise Luis Figo avait, elle aussi, choisi de déclarer forfait, mais sans soutenir officiellement le prince Ali. A l’instar du Batave et du Lusitanien, le Jordanien était appuyé en sous-main par l’UEFA. Il bénéficiait notamment des conseils de l’agence Vero Communications pour mener sa campagne. Dirigée par l’Anglais Mike Lee, ancien directeur de la communication de l’UEFA (2000-2003), cette société londonienne collabore avec l’instance européenne depuis 2014 pour le « développement de ses activités de communication à l’international ». Vero Communications, c’est aussi l’agence qui a mené la campagne victorieuse du comité qatari candidat à l’organisation du Mondial 2022. Récemment, le prince Ali s’était déclaré favorable à la tenue de la Coupe du monde dans le richissime émirat gazier.
Outre Michel Platini, le Jordanien pourrait affronter dans les urnes le Brésilien Zico, le Libérien Musa Hassan Bility ou le Sud-Coréen Chung Mong-joon, ancien vice-président de la FIFA (1994-2011) et opposant notoire à « Sepp » Blatter. La date du dépôt des candidatures est prévue le 26 octobre.
« Cette élection commence à ressembler à du grand n’importe quoi, souffle un observateur avisé de la FIFA. Chung Mong-joon avait perdu son poste au comité exécutif en 2011 au profit du prince Ali. Ce dernier s’est senti depuis instrumentalisé par Platini. Nous n’avons que des gens qui se sont trahis mutuellement ». Un ancien proche de Blatter enfonce le clou : «
Ceux qui se présentent jusqu’à aujourd’hui sont vraiment médiocres. »