Miroir économique devenu un camp policier : qui sauvera la Fikin ?

Qui sauvera la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN) ? La question est restée pendante sur les lèvres depuis plusieurs années, au regard de l’image qu’offre cette institution foraine, qui jadis, jouait le rôle du miroir économique du pays.

Abandonnée à son triste sort, la Fikin est devenue l’ombre d’elle-même, depuis les pillages de 1991 puis ceux de 1993, sous le règne de feu Maréchal Mobutu. Tout a été saccagé et emporté dans cette entreprise placée lors de sa création en 1969, sous la tutelle de la présidence de la République.

A l’époque, la Fikin fut considérée comme le lieu le plus attractif du pays, à travers les éditions internationales des foires qu’elle organisait. A ces occasions, plusieurs nations du monde prenaient rendez-vous pour exposer la grande partie de leurs économies. Les visiteurs avaient le choix de visiter la partie des expositions, avant de se rendre au parc d’attraction, où chacun avait la latitude de se mouvoir librement.

Puis surviennent les pillages

C’est à l’issue de la démocratisation du pays en 1990 par feu le Maréchal Mobutu, que le climat politique commençait à s’effriter dans le pays. En effet, la situation politique confuse a poussé les autorités de l’époque, à tout mettre en moule sur le plan économique, condamnant ainsi le pays à son triste sort.

Vomi par la population et par une grande partie de la communauté internationale, feu Maréchal Mobutu monta des stratagèmes qui ont débouchées sur les pillages sur l’ensemble de la ville-province de Kinshasa, mettant à genou toutes les grandes unités de production du pays installées dans la capitale.

Les installations de la Foire internationale de Kinshasa, n’échappèrent guère à ces événements. Et depuis, la Fikin était devenue l’ombre d’elle-même : tous les manèges installés au parc d’attraction ainsi que les pavillons qui servaient de cadre d’exposition, furent systématiquement détruits.

Mzée LD-Kabila, artisan de la reconstruction

Mzée Laurent-Désiré Kabila

Il a fallu attendre l’avènement de feu Mzee Laurent-Désiré Kabila d’heureuse mémoire, pour voir la Fikin renaître de ses cendres. Les efforts conjugués par ce patriote, avaient abouti à la réhabilitation de six pavillons. Ce qui donna l’occasion aux anciens membres du comité de gestion, de reprendre tant soit peu, avec l’organisation des éditions foraines (nationales).

Après la mort de Mzee LD Kabila, tous ces efforts de réhabilitation, et partant de la reconstruction du pays, furent foulés aux pieds. Car le nouveau régime incarné par l’ancien Chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange, n’avait aucun programme concernant la reprise des activités foraines.

18 ans de règne durant, Joseph Kabila et les différents Premiers ministres qu’il a placé à la tête des différents gouvernements (Gizenga, Muzito, Matata, Badibanga, Tshibala), n’ont conjugué aucun effort pour poursuivre l’œuvre léguée par feu Mzee LD Kabila ; alors que son pouvoir n’a duré que 4 ans.

Vers la fin du règne de Joseph Kabila, la population a commencé à sentir un semblant de volonté du gouvernement Bruno Tshibala, de prendre à cœur le dossier de la réhabilitation des installations de la Fikin. Un projet allant dans ce sens, fut même présenté par le ministre Jean-Lucien Bussa ; alors ministre d’Etat au Commerce, lequel avait été voté par le Conseil des ministres à l’époque.

A l’issue de cette décision salvatrice, toutes les terrasses érigées au sein de la Fikin avaient été rasées, sur recommandation du ministre de tutelle, conformément à la décision du gouvernement de procéder à la réhabilitation et la modernisation desdites installations. Mais hélas, rien de concret n’a jamais été fait jusqu’à ce jour. Mauvaise foi ou manque de volonté politique ? Dieu seul sait.

Du délabrement à l’érection d’un camp policier

Pour plusieurs analystes, la thèse de la mauvaise foi des dirigeants du pays à réhabiliter les installations de la Fikin s’est conforté avec la venue de quelques bataillons de la Police nationale congolaise (PNC) en décembre 2018, quelques jours seulement avant la tenue des élections générales.

Ces policiers qui sont entrés nuitamment dans les installations de la Fikin, en cassant les cadenas des différents pavillons, avaient été dépêchés pour sécuriser lesdites élections. Dieu merci, malgré quelques couacs, ces scrutins s’étaient déroulés dans des conditions que l’on connait, sans faire beaucoup de casses. Ceci devait obliger les autorités de la police, à retourner ces éléments dans leurs milieux d’origines.

Malheureusement, la Fikin est devenue un camp policier au sein duquel vivent tous ces hommes de drapeau qui hier, étaient venus en singleton, mais vivent aujourd’hui avec femmes et enfants dans des pavillons compartimentés.

Le Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi les avait même visités lors de l’incendie survenu dans l’un de ces pavillons, et a été édifié sur leurs conditions de vie. Mais à ce jour, aucune solution pour les faire partir des installations de la Fikin où règnent une insalubrité criante et une promiscuité cruelle, exposant ainsi tous ces pensionnaires à des maladies et pandémies de tout genre.

En effet, les policiers qui squattent la Fikin avec leurs familles, sont entassés dans des pavillons où chacun a pris un espace sur lequel il a érigé une chambrette.

IXe Jeux de la Francophonie : une occasion qui s’est vite évaporée

Après plusieurs cris de détresse allant du délogement des familles des policiers à la réhabilitation de la Fikin, l’ensemble du personnel de cette institution foraine avait poussé un cri de soulagement, après que le Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi avait répondu favorablement à la requête de la délégation syndicale, de voir les installations de la Fikin être modernisées, par le fait que cette institution était retenue comme site principal devant abriter les IXe Jeux de la Francophonie.

C’est ainsi qu’à travers le prof Eberande Kolongele, alors Directeur de cabinet a.i du Chef de l’Etat, ce dernier avait promis de faire réhabiliter la Fikin, en faveur des IXe Jeux de la Francophonie. Cette décision avait été saluée de deux mains, non seulement par l’ensemble du personnel de cet établissement public, mais aussi par la population qui ne jure que par la renaissance de ce site.

Eberande Kolongele

Par rapport à cette réalité, l’ancien Premier ministre, Bruno Tshibala Nzhenzhe avait effectué une visite d’inspection dans les installations de la Fikin, l’un des sites sélectionnés par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), en plus de la visite du Conseiller principal du Chef de l’Etat en matière de Commerce ainsi que les visites en juin et août 2020, des experts de l’OIF venus de la France, pour faire l’état des lieux du site Fikin.

Mais comme d’habitude, les travaux de construction du site principal ont été délocalisés au stade du 20 mai, ex-stade Tata Raphaël, au grand regret des travailleurs de la Fikin. Selon des informations proches de la présidence de la République, le Chef de l’Etat aurait souhaité que les installations de la Fikin soient réhabilitées et modernisées sur fonds propres du gouvernement. Un grand actif pour son bilan. Une ligne de crédit avait même été votée dans la Loi des finances pour l’exercice 2022 quant à ce.

Avènement du nouveau comité de gestion : une aubaine pour la FIKIN ?

Comme pour annoncer les nouvelles couleurs, la FIKIN vient d'être dotée depuis le 27 mai dernier, d’un nouveau Conseil d’administration composé de MM. Baswea Alamba Fabrice, Kalala wa Tshamba Ray, Mbenza Pungi Maurice, Bulabula Mbuyi Biyou, Bushabu Kwete Hervé et Maleo Ndurabo Anne-Marie, respectivement Président du Conseil d’administration ; Directeur général ; Directeur général adjoint et Administrateurs.

Dans leur vision, les nouveaux mandataires de la Foire internationale de Kinshasa s’engagent à remettre l'entreprise sur les rails, pour son émergence et sa réhabilitation, afin que celle-ci redevienne un site modernisé, doté d’une structure d’exposition de promotion économique, commerciale et culturelle de standard international avec les activités permanentes et offrant un attrait touristique.

Les nouveaux mandataires ont également promis de mettre à profit leurs modestes compétences à compétition, pour relever le défi. A ce sujet, ils ont effectué une visite d’inspection dans les installations de la FIKIN pour faire un état des lieux, pour envisager des lendemains meilleurs en faveur de l’institution foraine.

Connaître la FIKIN

Créée en 1969 par l’Ordonnance n°69-197 du 15 septembre 1969, la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN), était un Commissariat général dépendant directement de la présidence de la république. Elle fut muée en Entreprise publique par l’Ordonnance n°78-128 du 05 mai 1978, portant statuts d’une entreprise publique dénommée Foire internationale de Kinshasa, « FIKIN ». A ce titre, elle était régie par la Loi n°002 du 06 janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux Entreprises Publiques.

A la faveur de la réforme des entreprises du portefeuille de 2009, la FIKIN devient un établissement public à caractère technique, en vertu du Décret n°09/49 du 03 décembre 2009. Dès sa création aux pillages de triste mémoire de 1991 et 1993, la FIKIN était une entreprise prospère. Malheureusement, les pillages ont balayé la quasi-totalité de son outil de production et inaugurèrent sa descente aux enfers avec la destruction totale du parc d’attraction, la destruction à 90% de son parc d’exposition. Le complexe immobilier du Motel FIKIN ayant échappé à ces destructions, est devenu sa principale source de recettes.

La Foire internationale de Kinshasa a pour objet, d’organiser des foires provinciales, nationales et internationales, en vue de faire connaître les possibilités industrielles, commerciales et artistiques du marché local et international. En exécution de cet objet, la FIKIN est chargée notamment de servir d’organe Conseil et technique du Gouvernement en matière de promotion commerciale et industrielle ; servir d’organe de régulation nationale des activités foraines sur toute l’étendue du territoire national ; assurer la participation du pays à des foires organisées à l’étranger ; gérer le patrimoine mobilier et immobilier se trouvant dans ses installations et ceux mis à sa disposition par l’Etat. La FIKIN peut aussi organiser des activités connexes et compatibles avec son objet social.

Vision de la FIKIN

Dans sa vision, la Foire internationale de Kinshasa vise la réhabilitation et la modernisation de ses infrastructures, dans le but de devenir un site doté d’une structure d’exposition de promotion économique, commerciale et culturelle de standard international avec les activités permanentes et offrant un attrait touristique.

La Fikin vise également l’extension de ses activités en provinces et sa participation à des Foires organisées à l’étranger, afin de récupérer ses prérogatives. D’où la nécessité de renouer les relations avec l’Union des foires internationales (UFI).